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À chacun son épreuve | Thylesandr
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Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Mar 5 Fév - 22:10
Il ne dut pas attendre longtemps avant que Nessa ne fasse un choix. En même temps, la pauvre n'avait guère beaucoup d'options devant elle : elle pouvait soit attendre sur le rocher qu'un bateau passe par là, l'aperçoive et vienne la sauver (avec toutes les incertitudes qu'une telle solution présentait); ou prendre son destin en main et tenter de se sauver elle-même avec l'aide que l'Eau lui avait envoyée. Et Thylesandr savait qu'elle était forte. Qu'elle n'était pas de ces demoiselles brodant patiemment chez elles toute la journée en attendant que leur époux revienne de ses aventures. Non, les aventures, Nessa les vivait elle-même. Elle ne se pliait pas sous le joug masculin.

Elle semblait pourtant hésiter, comme inquiète. Il lui laissa tout le temps dont elle avait besoin et, finalement, elle lui révéla son état d'épuisement. Bien sûr, il comprenait. Il lui offrit un regard doux, plein d'empathie, et lui murmura un faible « Je sais » qui se voulait réconfortant. Il savait que ce serait difficile, mais il était là. Il allait l'aider.

Alors, elle se mit à avancer vers lui - et le triton observait sa progression avec prudence, comme quand on surveille les premiers pas d'un enfant. Alors qu'elle s'approchait du bord, il eut le réflexe inconscient d'écarter les bras dans sa direction, afin de la rattraper si elle glissait sur des algues ou ratait un rocher. Et il ne la quittait pas des yeux, comme hypnotisé par l'instant présent. Elle s'avançait vers lui, entièrement dépendante, comme toutes ces jeunes femmes pour lesquelles il avait chanté par le passé. Prêtes à se jeter à l'eau pour lui, avec pour seule envie de le rejoindre... Prêtes à se sacrifier à la mer, tant qu'elles pouvaient se serrer contre lui, même pour un court moment. De nouveau, une lueur dangereuse vint brûler au fond des yeux de la créature marine - une lueur qui s'étouffa presque immédiatement, car rappelée à l'ordre par la conscience de Thylesandr. Non, il savait que le cas de Nessa était différent. Si elle était prête à se jeter à l'eau, ce n'était pas pour lui, mais bien pour elle-même. Son seul désir était de sauver sa vie et non pas de le rejoindre. De retrouver les siens, et de s'enfuir de cette inconfortable situation le plus vite possible.

Elle s'avança encore, jusqu'à quitter la plateforme rocheuse pour commencer à réellement nager. Et, immédiatement, il put voir une peur primale déformer ses traits auparavant rieurs. Par réflexe, il s'approcha d'elle, se plaçant à sa portée pour la rassurer - mais avant même qu'il ait pu ouvrir la bouche, voici qu'elle s'était agrippée à lui de toutes les maigres forces qui lui restaient. Il en eut le souffle coupé de surprise mais ne se déroba pas à son emprise. Au contraire... Étrangement, les réflexes de survie qu'il avait eus plus tôt - ceux qui l'avaient poussé à s'enfuir alors qu'elle avait tendu une main vers lui -, s'étaient transformés en des réflexes tout aussi naturels, mais beaucoup moins purs. Sans même s'en rendre tout à fait compte, Thylesandr avait refermé ses bras autour de la taille de la navigatrice pour la supporter et la maintenir à la surface. Il la serrait contre son torse autant qu'elle s'accrochait à lui, et il sentit son cœur s'emballer alors qu'il prenait conscience de sa queue de poisson qui frôlait les jambes de la jeune femme.

Tous les deux remis de leur surprise, elle commença à s'excuser, et il secoua doucement la tête pour la rassurer. Elle n'avait pas besoin d'être désolée, loin de là ! Encore une fois, une certaine dualité tirailla le cœur du triton : d'un côté, il était désolé qu'elle soit si effrayée. Il n'aimait pas voir l'anxiété la crisper et la voir craindre pour sa vie. D'un autre côté, il adorait ça. En cet instant précis, elle avait peur de tout ce qui l'entourait - sauf de lui. Il était son seul secours. Peut-être même était-il tout son univers. Alors, quand elle détacha un bras de lui pour prendre appui sur un rocher tout proche, il leva une main pour s'emparer de la sienne et, en un agile mouvement de nageoire, les éloigna tous les deux des massifs rocheux. Ainsi, elle n'avait d'autre choix que de dépendre entièrement de lui.

- Faites-moi confiance, Nessa... lui susurra-t-il en laissant couler son nom sur sa langue avec délice. Il savait qu'elle était épuisée, blessée et traumatisée par son récent périple - mais si elle acceptait de se reposer sur lui, alors il la récompenserait pleinement. Mais enfin, elle n'avait de toute façon pas le choix. Là, perdue au milieu de l'étendue d'eau, coincée entre ses bras, elle était à sa merci. Il avait tout contrôle sur la situation, et il adorait ça.

Il lui prit les mains et, doucement, la détacha de lui. Il ne la lâcha que l'espace d'une seconde, le temps de se retourner d'un seul mouvement, afin de lui présenter son dos. Et, déjà, il avait de nouveau saisi ses poignets, et les tira par-dessus ses épaules, de sorte qu'elle se retrouve le ventre collé à son dos, les mains croisées devant son cou. Tout cela, bien sûr, avec fermeté mais une infinie douceur. Réveiller ses blessures n'était nullement son intention. Sans lâcher les fins poignets de Nessa, il donna un puissant coup de nageoire, qui les propulsa sur une bonne dizaine de mètres - une distance qu'elle aurait mis de longues secondes à parcourir à la nage, mais qu'il avait couverte en un éclair.

Ses branchies, quatre lignes fines sur chaque côté de son cou, palpitaient d'excitation. Ça y est, ils étaient partis. Il n'aurait jamais osé lui demander de nager dans son état - la tracter de la sorte était la solution la plus aisée pour tous les deux, et la plus rapide. D'ordinaire, il aurait trouvé cela déshonorant, et jamais auparavant il n'avait laissé quiconque le monter comme une vulgaire mule à nageoires - mais sur le coup, il se sentait terriblement important. Il était le seul à pouvoir la sauver, et mourait d'envie de faire étalage de toutes ses capacités physiques. Il pouvait lui montrer son endurance, l'emmener glisser sur les courants bien plus vite que n'importe quel bateau. Fier de la musculature de sa queue - qui, même pour un triton, était assez remarquable -, il commença même à accentuer ses mouvements, forçant ainsi Nessa à se mettre à califourchon sur lui pour ne pas que ses jambes viennent se frotter contre ses écailles et irriter davantage ses coupures.

Évidemment, il restait à la surface pour qu'elle puisse respirer à sa guise - même s'il ne pouvait pas garantir que son visage n'allait pas se faire éclabousser. Il aurait pu être encore plus rapide sous l'eau, car la surface avait tendance à briser sa vitesse - à l'inverse des profondeurs, où l'eau se mouvait en harmonie sous ses nageoires -, mais il ne voulait pas rendre le trajet plus ardu qu'il ne l'était déjà pour Nessa.

- Faites-moi savoir quand vous serez fatiguée, et je trouverai un endroit où nous reposer, lui rappela-t-il doucement. Même s'il pouvait aisément nager pour deux, ça ne voulait pas dire que l'humaine ne fournissait aucun effort : elle devait rester accrochée à lui, se battre contre la surface irrégulière pour respirer, et tout cela en supportant le sel de la mer qui, sans doute, devait réveiller chacune de ses plaies ouvertes.

Elle était courageuse. Lui, il n'était que l'infâme triton qui profitait honteusement de la situation.
Thylesandr Psári
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Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
À chacun son épreuve | Thylesandr - Page 2 Ness210
Allégeance : Kairos
Mer 6 Fév - 5:48
Sa main n’atteignit jamais la pierre. Le bout de ses doigts n’avait pas eu le temps de l’effleurer que déjà elle s’éloignait. Avec une pointe de curiosité, elle détourna le regard de son objectif pour le reposer sur l’homme qui la tenait contre lui. Sa main reposait dans la sienne et durant un instant, elle ne vit que ses yeux pâles. Faites-moi confiance. Disparurent durant quelques secondes la mer et la terre. Elle hocha lentement la tête, captivée par sa voix qui murmurait près de son oreille. Elle sentit les tremblements de son corps s’atténuer, acceptant d’accorder sa confiance à l’homme-poisson. Avait-elle réellement d’autres choix, de toute façon ? Mais son cœur restait affolé. Elle ne sut si c’était la peur qui existait toujours quelque part en elle ou bien la proximité qu’ils avaient soudainement alors que son ventre collait à son dos et que ses bras glissaient sur les écailles de ses épaules. Elle se laissait guider et cette fois, elle avait pleinement conscience de la moindre partie de son corps qui frôlait le sien. Avait-elle déjà été si proche de quelqu’un d’autre ? Elle ne détestait pas le contact humain, mais elle n’était pas de celle à particulièrement l’apprécier non plus. Enfin, normalement. À l’instant, elle ne pouvait cacher qu’elle aimait sentir la sensation spéciale de ses écailles sur sa peau. Si son visage trahissait une gêne, elle savait qu’il ne pouvait le voir. Elle essaya de faire comme si ce n’était rien d’exceptionnel, mais elle n’oublierait jamais cette expérience unique qui s’offrait à elle. Et elle se serra contre lui lorsque d’un coup de nageoire il les propulsa en avant, ses bras se refermant délicatement autour de son cou avec les maigres forces qui lui restaient. Mais elle n’était pas inquiète, car il lui tenait toujours les poignets avec fermeté, mais douceur.

Le regard de Nessa s’emplit d’émerveillement lorsqu’elle constata la distance qu’ils avaient parcourue. C’était impressionnant et elle ne put empêcher une interjection surprise de quitter ses lèvres. Elle dut se caler davantage dans son dos lorsqu’il accéléra ses mouvements et elle fit de son mieux pour empêcher ses jambes d’être dans le chemin. Tête hors de l’eau, elle admirait le paysage qui défilait autour avec enchantement. Se sentant de nouveau en sécurité, elle put chasser la crainte de son cœur et profiter pleinement de l’instant présent. Tant qu’il était avec elle, tout allait bien. Elle n’allait pas se noyer. Enfin, un sourire glissa sur ses traits. Il lui rappela qu’ils pouvaient s’arrêter si elle en ressentait le besoin et elle éprouva de la reconnaissance devant cette attention. Elle s’accrocha confortablement en hochant la tête, laissant un simple « D’accord » échappé ses lèvres. Rassurée, elle reporta son attention sur la mer. Elle sentait les vagues lui éclabousser le visage avec plaisir, s’efforçant de garder la tête hors de l’eau pour respirer. Tout d’un coup, elle était amusée, comme une enfant qui explorait pour la première fois la mer. Elle posa sa tête contre celle de Thylesandr quelques secondes, fermant les yeux et appréciant l’eau sur sa peau. Elle sentait ses cheveux contre sa joue et le contact lui plaisait.

Avec les minutes qui passaient, elle s’habitua au rythme, à la cadence de la nage. Son corps s’accordait aux mouvements du triton. Sa tête évitait les vagues avec plus d’adresses qu’au départ, devenant presque un réflexe. Sa main jouait gentiment avec une mèche pâle des cheveux de Thylesandr qui s’était glissé entre ses doigts. L’action machinale, elle ne s’en rendait pas compte et se contentait d’apprécier. Puis, au fil du temps, Nessa se sentit calmement bercée par les mouvements de l’eau, les mouvements de la nage. Ses yeux se firent lourds et elle sentit sa tête basculée vers l’avant. Inconsciemment, elle enfouit son visage dans le cou de l’homme-poisson, mais l’eau vint lui chatouiller les joues et son nez frôla ses branchies. Elle luttait contre la fatigue qui la gagnait peu à peu. Elle sentait que ses bras glissaient lentement de ses épaules. Elle secoua la tête tout en se reculant légèrement, cherchant à chasser le sommeil qui embrouillait son esprit. Elle voulait lui demander d’arrêter un moment, mais si elle ne pouvait pas se reposer, ça ne changerait rien à sa situation. Cherchant à rester éveillée, elle décida d’ouvrir la discussion. Ça la tiendrait réveillée si elle lui parlait et si elle l’écoutait. Elle approcha ses lèvres de son oreille, afin de couvrir le bruit qui les entourait et d’assurer à sa voix d’être entendue.

- Préférez-vous la mer lorsqu’elle est calme ou agitée ?

Ce fut la première question qui lui traversa l’esprit et une fois qu’elle l’eut prononcé à voix haute, elle prenait conscience qu’il n’y avait aucun contexte. Ils avaient voyagé en silence depuis qu’ils étaient partis et rapidement, Nessa s’était détendue et sentie en sécurité, accroché à Thylesandr. Elle avait eu tout le loisir de laisser ses pensées s’évader et son esprit se mêler à la mer. Elle aurait pu s’intéresser à tant d’autres sujets concernant les sirènes et leur façon de vivre, mais elle avait plutôt opté pour une question sans réelle pertinence. Une simple question, comme pour faire connaissance.

- Est-ce qu’il vous arrive de vous étendre sous le soleil ? Est-ce quelque chose que vous appréciez, ou bien préférez-vous rester sous l’eau ? Est-ce qu’il fait froid au fond de la mer ? Dites, vous me parlerez à nouveau de l’endroit où vous habitez ?

Elle avait fermé les yeux, son menton reposant sur son épaule. Ses questions coulaient de ses lèvres au moment où elle les pensait. La lenteur dans sa voix dénonçait sa fatigue. Ses mots ne suivaient aucune cohérence, simplement la cascade de ses pensées. Elle avait un peu froid, malgré le soleil au-dessus de leur tête.

- Thylesandr… Parlez-moi. Je ne veux pas m’endormir, ajouta-t-elle dans un murmure.

Elle ne pensait pas pouvoir réellement jongler entre éveil et sommeil alors qu’elle était sans cesse aspergée par l’eau. Et pourtant. Ses blessures ne brûlaient presque plus, ou peut-être s’était-elle simplement habituée à la douleur constante. Ce n’était pas assez pour empêcher son corps de faiblir. Elle était affreusement fatiguée. Elle resserra son emprise sur Thylesandr, mais ses bras bougèrent à peine. Les quelques phrases qu’elle avait prononcées avaient cependant réussi à la garder éveillée, c’était bon signe. Et c’était ses dernières chances pour en apprendre plus sur son sauveur. Il fallait en profiter avant qu’elle arrive sur la terre ferme. Chasser l’engourdissement de ses membres et s’accrocher fermement. Devrait-elle demander de s’arrêter ? En même temps, elle n’avait pas envie de simplement s’allonger sur un rocher et risquer de s’endormir pour de bon.
Nessa Katos
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Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Mer 6 Fév - 16:41
Thylesandr nageait avec vigueur, filant vers les côtes de Kairos. Il se dirigeait dans la direction globale de Kalispera, mais ne comptait pas y débarquer Nessa : il considérait les abords de la capitale beaucoup trop dangereux pour lui. Il pensait plutôt la déposer sur une plage isolée où il ne serait pas vu, peut-être à un bon kilomètre de la grande ville. La pauvre allait encore devoir marcher un bon moment avant de retrouver son chez-elle - une demi-heure ? Possiblement plus, vu son état de fatigue. Cependant, le triton avait bon espoir : les plages n'étaient pas éloignées des grandes routes et il ne lui faudrait que quelques minutes pour en rejoindre une. A partir de là, il lui suffirait de se faire prendre en stop dans le chariot d'un marchand itinérant. Si près de la ville, elle ne risquait pas de tomber sur des brigands ou des personnes mal intentionnées, et les voyageurs étaient légion. Aucun doute que l'un d'eux prendrait pitié d'elle si elle leur racontait son naufrage et sa lutte pour la survie...

La mer était relativement calme, et l'ondin choisissait des passages habituellement évités des bateaux, car trop étroits pour eux. La baie de Kairos avait toujours été un endroit dangereux pour les embarcations : c'était un dédale de rochers, souvent bien plus gros que leur partie émergée ne le laissait croire. Beaucoup de jeunes marins s'y étaient fait piéger, mais Thylesandr connaissait par cœur cet endroit. Il n'avait pas besoin d'emprunter les détours des bateaux, et réussissait donc encore à gagner un peu de temps sur eux. Une heure, peut-être - mais c'était déjà ça.

Le triton ne fournissait presque aucun effort tant Nessa était légère. De plus, elle ne reposait pas entièrement sur lui - elle flottait presque à la surface, simplement tirée par lui, et il remercia silencieusement l'Eau de les aider de la sorte. Il était pourtant extrêmement conscient de leur proximité et sentait, à chacune de ses ondulations, le tissu du vêtement de la navigatrice venir lui chatouiller le creux du dos. Elle jouait avec ses cheveux, et il faillit en ronronner de contentement. Il la sentait se mouvoir avec lui pour lui faciliter le travail - elle s'habituait au rythme et à la particularité de sa nage, si différente de celle des Hommes. Les Hommes nagent comme des grenouilles, pensa-t-il en souriant d'un air mesquin. Mais là, elle n'avait d'autre choix que d'apprendre à nager comme lui, et il se sentit bouffi d'orgueil à l'idée qu'il était en train de lui enseigner quelque chose. Il n'y avait pas de fierté plus grande pour un érudit tel que lui que de transmettre son savoir, sous n'importe quelle forme que ce soit. Pourtant, la pauvre Nessa n'était guère en mesure d'apprendre, et elle le lui rappela bien vite en laissant son visage tomber au creux de son cou.

Thylesandr tressaillit en sentant quelque chose frôler ses branchies si sensibles. Heureusement, son réflexe de surprise fut noyé sous les minces vagues qui les entouraient et, déjà, Nessa avait repris ses esprits. Sans doute était-elle si fatiguée que son corps la suppliait de le laisser se reposer, malgré l'environnement inadéquat. Il eut un pincement au cœur à cette idée, désolé qu'il était qu'elle doive tant en supporter. Il aurait aimé lui offrir du repos, trouver un moyen pour qu'elle puisse dormir le temps qu'il la ramène à la terre ferme, mais cela semblait tout bonnement impossible. Si elle réussissait à dormir ici, alors ce ne serait guère une sieste... Non, Thylesandr craignait qu'elle défaillisse pour de bon. D'un autre côté, ce n'était peut-être pas la pire des solutions, mais il ne pouvait décemment pas souhaiter qu'elle tombe dans les pommes.

Et alors qu'il y réfléchissait, il entendit la voix de la jeune femme s'insinuer doucement au creux de son oreille - encore une fois, il fut pris par surprise. Il ne pensait pas qu'elle aurait encore la force de parler, mais ce n'était pas pour lui déplaire... Une fois remis de ses émotions, il commença à sourire doucement, presque avec tendresse. Elle posa d'autres questions, toutes plus désordonnées les unes que les autres, avant de finalement le supplier de lui porter de l'attention. Il ne put s'empêcher de rire, d'un rire chaleureux et plein d'affection, alors qu'elle lui rappelait Dama quand elle ne voulait pas dormir. Elle aussi se mettait alors à poser plein de questions sans queue ni tête, luttant désespérément contre la fatigue qui s'emparait d'elle. Nessa était décidément la chose la plus adorable au monde.

- Oh, Nessa... fit-il du ton protecteur d'un grand frère réprimandant sa cadette. Elle ne voulait pas dormir, mais il allait la faire s'endormir. Elle avait réussi à se caler contre son dos, le menton sur son épaule, et il supposa que dans cette position, l'eau l'atteignait moins. Il rendit donc sa nage plus régulière, souhaitant la bercer de ses mouvements - et il entreprit d'utiliser sa voix la plus belle, la plus douce, pour la mener vers un sommeil certain.

- La mer ne s'agite jamais qu'en surface. Je ne sens pas sa mauvaise humeur quand je joue dans les profondeurs avec mes frères, et les tempêtes ne nous atteignent pas. Oh, si elle voulait qu'il parle, alors il allait parler. Il utiliserait les notes chantantes de sa voix comme une berceuse, et conterait jusqu'à n'en plus finir. Parfois, quand la mer s'agite et que les averses tombent, nous montons à la surface. Vous les avez sans doute déjà vues, ces vagues qui s'élèvent en rouleau - nous nous laissons emporter par elles et, quand nous arrivons tout en haut, nous nous propulsons d'un coup de nageoire pour nous en échapper... Et là, c'est à qui fera la plus belle figure. Le plus beau plongeon. La plus élégante pirouette, ou l'acrobatie la plus impressionnante. Parfois, nos sœurs nous jugent - mais souvent, elles jouent avec nous. Et la tempête riait de leurs jeux. Elle tonnait de plaisir, brisait le ciel obscur de déchirures lumineuses pour en éclairer leurs écailles.

Oh, les jeux insouciants de sa jeunesse... Ils lui manquaient soudain. A quand remontait la dernière tempête où il s'était amusé de la sorte... ? Il se mit à sourire en dépeignant ces scènes de rêve qui, pour une humaine, devaient sembler tout droit sorties des contes mythologiques. Et c'était justement son but : il voulait lui faire voir en pensée la joie d'être une sirène. Il voulait qu'elle s'imagine au milieu d'eux, partageant leur vie. Il voulait qu'elle s'endorme paisiblement, et qu'elle le rejoigne dans ses rêves. Qu'elle s'y transforme en sirène et qu'il lui apprenne à nager, à réellement nager. Mais pas juste pour cette fois. Il voulait remplir sa tête de rêves : assez pour la nuit prochaine, qu'elle passerait - il l'espérait - au chaud dans son lit; et assez pour toutes les nuits à venir. Il voulait envahir son esprit à tout jamais, et obséder chacune de ses pensées.

- Nous ne sommes pas tous pareils, mais moi, j'aime le soleil. Je me repose souvent sur les rochers, là où personne ne peut me voir. Parfois... je m'étends sur les plages de Kairos. Je me dore au soleil des heures durant. Le sable est chaud et doux... L'écume qui vient s'y perdre murmure mon nom. J'entends mes sœurs rire au loin, et les goélands me préviennent si un être humain approche.

Il parlait de détente, de paix, d'épanouissement. Il parlait du plaisir et du luxe de ne rien faire, il parlait de la vie qui s'offrait à lui et dont il savait profiter pleinement. Il parlait d'un monde idéal; un monde de rêves, de jeux, de siestes au soleil et d'insouciance constante. Il parlait d'un monde qui n'existait pas. Il parlait du Pays de Jamais - lui, le garçon qui ne vieillissait pas; et elle, l'enfant perdue qu'il souhaitait ravir avec lui.
Thylesandr Psári
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Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
À chacun son épreuve | Thylesandr - Page 2 Ness210
Allégeance : Kairos
Mer 6 Fév - 23:35

Ne pas s’endormir. Ne pas s’endormir. Elle ne devait absolument pas s’endormir. Elle se répétait sans cesse ces mots et pourtant tout semblait vouloir la convaincre de plonger dans le sommeil, de laisser sa conscience s’envoler. Ne plus penser à ses muscles lourds et épuisés. Ignorer la douleur silencieuse de ses plaies ouvertes. Paisiblement fermer les yeux et profiter de l’oscillation délicate que lui offrait la mer. Mais elle se débattait contre ses paupières, clignant des yeux et cherchant à chasser le sommeil de son esprit embrouillé. Puis, il prononça son nom et Nessa pencha légèrement la tête pour l’observer, du mieux qu’elle pouvait vu la proximité de son visage avec le sien. Cette intonation dans sa voix… Elle se sentait soudainement comme l’enfant, celle qui faisait des caprices pour rester éveillée avec les grands. Celle qui ne voulait pas se rendre au lit tout de suite. Celle qui voulait admirer les étoiles encore longtemps et écouter les amusantes histoires de pêcheur. Un mince sourire étira ses lèvres. Comme lorsqu’elle n’était qu’une enfant, aussi curieuse qu’elle l’eût toujours été et incapable de tenir en place même lorsque la fatigue l’envahissait. Elle n’avait vraiment pas changé, lorsqu’elle y repensait.

En réponse, elle répéta simplement ses mots « Je ne veux pas m’endormir. » Mais sa voix s’endormait déjà alors que la phrase quittait difficilement ses lèvres. Elle n’était pas certaine que ses mots se soient rendus à leur destinataire. Et lorsqu’il reprit la parole, lorsqu’il commença à répondre à ses questions, elle comprit qu’elle n’avait aucune chance d’être vainqueur dans cette histoire. C’était injuste, lui parler de cette façon. Plutôt que de la tenir éveillée, sa voix la guidait vers les profondeurs de l’inconscience. Une mélodie qui l’entrainait avec douceur. Le monde autour d’elle s’effaçait à mesure que le discours avançait. Il n’y avait que ses mots qui restaient. Elle les entendait, ils l’accompagnaient lentement vers le rêve. Bientôt, les mots devinrent images et songes.

Elle les voyait, ces immenses vagues prêtes à chavirer n’importe quel navire se risquant dans la tempête, sans remords. Le ciel envahi de nuages sombres prêts à pleurer et la mer furieuse et incapable de se reposer calmement dans son lit. Mais elle n’était pas effrayée. Au contraire, elle ressentait du plaisir. Et elle les observait s’élever sur les vagues et plonger dans des figures plus impressionnantes les unes que les autres. Elle les encourageait et ses yeux suivaient du regard ces écailles blanches qui reflétaient la faible lumière. Prise entre le rêve et la réalité, le récit qu’il lui narrait devenait sa réalité. Elle somnolait calmement contre l’épaule du triton dont la cadence favorisait sa perte de connaissance. Les mots devenaient rêves et la voix de Thylesandr influençait chaque image qui s’affichait dans l’esprit de Nessa, comme s’il la guidait à travers le monde des rêves.

Puis, elle se retrouva allongée sur la plage. Le sable chaud contre sa peau gelée. Ses mains s’enfonçaient entre les grains et elle soupirait de bonheur. Éclats de rire au loin et oiseaux marins hauts dans le ciel. Ce qu’elle se sentait bien. Elle entendait la mer qui s’échouait juste à ses pieds et elle ressentit le désir de retourner à l’eau, de nager avec les sirènes et de plonger dans les profondeurs marines. La réalité disparut pour ne laisser place qu’à son imagination sur les fonds marins. Les poissons, les coraux, les algues, les coquillages. Ça devait être époustouflant. Et elle revint vers la plage où elle était allongée, avec les goélands qui l’avertissaient si un humain approchait. Hum ?

- Si c’était moi… l’humain qui approchait… vous resteriez... sur la plage ?  

Nessa ne dormait pas tout à fait, mais c’était tout comme. Les mots quittaient ses lèvres, mais elle ne savait pas réellement ce qu’elle disait. Sa curiosité demandait, mais elle espérait quelque part une réponse à cette question. Lui demandait-elle vraiment ou se posait-elle simplement la question ? Son esprit était complètement confus et elle ne savait plus ce à quoi elle pensait. Un moment, la réalité se rappelait à elle et elle sentait sous ses doigts le corps du triton. La seconde d’après, elle se trouvait en pleine exploration de l’océan, sans même avoir besoin de respirer sous l’eau. Une partie d’elle savait où elle se trouvait et une autre était complètement perdue, à des lieux de la réalité. Elle basculait sans cesse entre un état d’éveil et de sommeil.

- Hmm… L’eau… est agréable… sur ma peau.

Elle voulait continuer de nager. Nageait-elle ? Par moment, elle en avait l’impression. Elle aimait se sentir flotter près de la surface de l’eau. Sentir les vagues la bercer doucement tout en suivant la cadence de Thylesandr. S’il ne la tenait pas, elle partirait probablement à la dérive. Ses bras simplement posés sur ses épaules ne s’agrippaient plus. Elle profitait de la caresse de l’eau avec délice. Elle aimait tant nager. Elle ne voulait pas s’arrêter. Elle ne voulait plus jamais être effrayée à l’idée de plonger.

- Je crois que… j’aurais aimé… être une sirène.

Elle n’avait plus exactement conscience des mots qu’elle prononçait, s’éloignant déjà à des lieux dans le monde des rêves. Elle voyait de nouveau les sirènes s’amuser entre les vagues. Elle imaginait ce monde qu’il lui partageait paisible et presque parfait. Elle se disait qu’elle aurait pu l’aimer. Elle aurait pris plaisir à vivre avec la mer, avec insouciance. Avoir de belles couleurs éclatantes elle aussi. Elle aurait voulu avoir une jolie couleur verte. Elle aimait cette couleur. Un vert qui reflétait la lumière autant que les écailles de Thylesandr. Elle se serait plu à nager durant des heures et des heures. Mais... elle ne serait pas celle qu’elle était si c’était le cas. Et elle aimait ce qu’elle était. Elle pouvait comprendre les murmures du vent et guetter les tempêtes. Don unique à sa personne et elle l’adorait. Elle aimait être une élue. Elle était heureuse à chacune de ses aventures, à découvrir toujours un peu plus ce monde dans lequel elle s’épanouissait.  

Mais elle pouvait bien rêver de sirènes pour les quelques heures à venir. Et doucement, Nessa sombra dans l’inconscience.
Nessa Katos
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Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Jeu 7 Fév - 1:41
Thylesandr contait avec l'expertise propre à ceux qui avaient dû, des années durant, endormir leurs petits frères et sœurs chaque soir. Il contait avec la sagesse d'un vieillard, car il possédait en vérité leur longue expérience, et savait exactement que dire et comment le dire. Ses histoires étaient belles, et il pouvait sentir l'effet qu'elles avaient sur Nessa. Doucement, il sentit la tension dans ses bras disparaître, et son corps traîner davantage derrière lui, car elle ne tentait même plus de s'accrocher. Elle s'enfonçait bel et bien dans les bras du sommeil, bercée par la mélodie des mots du conteur. Et celui-ci, encore une fois, s'en sentit tout enorgueilli : il contrôlait parfaitement la situation et tout se passait comme il le prévoyait. Dans sa vanité, il oserait presque se comparer à un dieu. C'était pourtant chose dangereuse que de nourrir de telles pensées...

Mais il n'en avait cure, et profitait pleinement de ce moment où il se trouvait tout-puissant. Et soudain, très doucement, la voix de Nessa se fit à nouveau entendre. Elle parlait faiblement, et il comprit rien qu'à son intonation qu'elle n'était pas tout à fait éveillée, et voguait à la fois entre la conscience et le sommeil. Elle se tenait à la bordure du rêve, mais avait pourtant encore le pouvoir de le déstabiliser. Car c'est exactement ce qu'elle fit en lui murmurant une innocente question. Si c'était elle, l'humaine... S'enfuirait-il ?

Il resta silencieux, interdit. Perturbé par la question, car lui-même doutait de la réponse. Son réflexe premier aurait été de répondre qu'il fuirait n'importe quel humain - mais cette fois, la question portait à réflexion. En ce moment précis, Nessa lui semblait inoffensive : faible, blessée, à bout de forces... Il pouvait la tuer sur-le-champ. Il pouvait décider de plonger à tout instant, et l'emporter avec lui au fond des mers - et sans même avoir besoin d'user de son chant ! Mais ce n'était pas ainsi qu'elle était, en temps normal. Il avait eu la chance de la trouver en état de faiblesse - mais que se serait-il passé, s'il en avait été autrement ? Qu'aurait-il fait, si c'était elle qui l'avait trouvé dans un état vulnérable, endormi sur un banc de sable ? Bien sûr, il aurait fui. Mais maintenant qu'il la connaissait... Était-ce différent ? S'il la revoyait un jour, en maîtresse totale de ses moyens, comment réagirait-il ? Si elle se présentait à lui sous sa facette de fière navigatrice, de femme si forte et indépendante qu'elle avait réussi à se faire une place au sein d'un équipage; d'une femme respectée et ayant fait ses preuves... Se sentirait-il en sécurité ? Il l'ignorait. Il avait beau retourner la question dans sa tête, il l'ignorait.

Par chance pour lui, elle n'exigeait pas de réponse immédiate, car la pauvre commençait à s'endormir pour de bon. Il déglutit avec difficulté tandis qu'elle murmurait son appréciation pour le contact de l'eau sur sa peau lisse. Et il sentit son cœur se serrer alors qu'elle avouait dans un souffle qu'elle aurait aimé faire partie de son peuple. Il se surprit à penser que lui aussi, il aurait aimé qu'elle soit sirène. Pas l'une de ses sœurs, mais... une autre sirène. Oh, ce qu'ils se seraient amusés alors !

Mais l'Eau en avait décidé autrement, alors soit. L'Eau avait choisi, dans sa cruauté, de les réunir un court instant - juste le temps pour lui de sauver la navigatrice. Ou peut-être était-ce là la volonté d'un de ces dieux humains, ceux qui s'étaient pris d'affection pour certains des bipèdes. Faisait-elle partie de ceux-là ? Des Choisis ? Des Élus, comme ils s'appelaient ? Maintenant qu'elle s'était endormie pour de bon - il le sentait, à sa respiration régulière -, il avait tout le loisir de se perdre dans ses pensées. Ce serait bien un coup des dieux, ça... Et elle avait eu tant de chance de survivre à son naufrage, puis d'être trouvée par Dama, et que Dama soit venu le chercher lui et non un autre de ses frères... Une chance inouïe. Ou la protection divine. Cette situation semblait si irréelle que Thylesandr commençait sérieusement à se poser des questions.

Mais même s'il avait étudié les contes des dieux, il avait des difficultés à leur accorder des prières. Lui se fiait surtout à l'Eau. Et si l'Eau avait permis cette étrange rencontre, c'est qu'elle savait ce qu'elle faisait. Alors, le triton continua à nager docilement vers le rivage - toujours aussi troublé, mais résolu à accomplir sa tâche.
- Nessa ? chuchota-t-il d'une voix douce, une main caressant la joue de la jeune femme afin de la sortir paisiblement de ses rêves. Elle était couchée sur le dos, sur un lit de sable - et lui était échoué juste à côté d'elle, profitant d'un instant de repos après ces heures de nage intensive. Le soir commençait tout juste à tomber, mais l'obscurité totale ne serait pas là avant quelques heures. Il était couché sur le ventre, en appui sur ses coudes, légèrement penché vers elle. Elle ne s'était même pas réveillée quand il avait atteint la plage et avait dû la déloger de son dos...

Le triton avait trouvé une plage isolée, cachée par un mur de roche. Mais il savait que des sentiers serpentaient au milieu des rochers - cette plage, malgré les apparences, était autant accessible par la terre que par la mer. En utilisant ces sentiers, Nessa pourrait rejoindre le grand axe routier très fréquenté qui la ferait entrer dans la capitale. Si elle parvenait à s'éveiller, bien sûr...
Thylesandr Psári
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Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
Nessa Katos
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À chacun son épreuve | Thylesandr - Page 2 Ness210
Allégeance : Kairos
Jeu 7 Fév - 5:33

Un court gémissement à peine audible quitta ses lèvres. Que… se passait-il ? Lentement, la navigatrice reprenait connaissance. Son esprit s’éveillant lentement, laissant la brume de doux rêves derrière elle. Certaines images tournaient dans sa tête, souvenirs abstraits d’un monde irréel. La réalité se rappelait à elle à mesure que les secondes avançaient. Les sensations sur sa peau agaçaient doucement les douleurs de son corps. Elle sentait la lourdeur reprendre le dessus sur son corps, comme si elle était soudainement écrasée par la pression du monde. Sous ses doigts, elle devina le sable. Une délicate caresse sur sa joue la tirait de l’inconscience et si elle voulait y retomber immédiatement, le brûlement dans sa tête l’empêcha de sombrer à nouveau dans le sommeil. Chaque partie de son corps se réveillait sous l’inconfort de sa condition. Elle voulait lever une main vers son front douloureux, mais impossible pour elle de bouger. Elle était encore proie à la somnolence. Un nouveau gémissement quitta ses lèvres. Douleur et inconfort. Elle bougea la tête, légèrement.

Puis, ses paupières frémirent, clignèrent quelques fois avant que ses pupilles grises ne puissent capter la lumière de fin de journée. Son regard confus se porta sur le ciel aux couleurs du soir. Elle adorait observer l’oranger d’un coucher de soleil sur la mer, qui se mêlait au mauve et au bleu qui profilait la nuit. Les étoiles apparaitraient et elle pourrait les admirer toute la nuit durant si elle le voulait. Surtout si son corps refusait de bouger. Elle était allongée sur une plage. Que faisait-elle là ? Elle voulut chasser l’embrouille de son esprit, se remettre de sa confusion, se remémorer et s’éloigner de ses songes d’océan. Elle expira lentement un long soupir et enfin, son corps accepta de bouger. Elle leva une main à sa tête douloureuse. Naufrage. Triton. Nage. Un éclair de lucidité la frappa enfin.

-Hm…, gémit-elle en cherchant sa voix, mais sa gorge sèche lui piquait.

Elle était complètement déshydratée. Elle avait faim, elle avait soif et elle avait mal. Mais elle était rendue. Elle avait retrouvé la terre. Un soupir de soulagement quitta ses lèvres et elle tourna la tête sur le côté, croisant ainsi le regard de l’homme-poisson qui se tenait près d’elle. Un sourire apparut sur ses lèvres. Faible, pourtant fier et confiant. Ils avaient réussi. Mais il avait été celui à faire la plupart des efforts. Elle aurait voulu pouvoir nager jusqu’ici par elle-même, ne pas complètement s’appuyer sur quelqu’un d’autre. Mais quelque part, ça ne lui déplaisait pas totalement cette fois. Les souvenirs de l’expérience qu’elle avait vécue avant de sombrer dans l’inconscience lui revinrent en mémoire. Et son sourire s’agrandit un peu, lorsqu’elle prenait conscience de la chance qu’elle avait eue.

- Thylesandr… Merci.

Sa voix était enrouée et elle détesta l’entendre sonner ainsi. Mais elle ne voulait pas patienter davantage avant de le remercier. Il lui avait dit plus tôt d’attendre avant de lui dire cela, qu’elle n’était pas encore sortie d’affaire. Maintenant, elle l’était. Il l’avait ramenée jusqu’ici et elle ne savait pas comment exprimer sa reconnaissance autre qu’en ce seul mot. Elle y mettait toute sa sincérité. Elle avait eu raison de lui faire confiance. Les dieux devaient véritablement veiller sur elle, protégeant cette insouciance qui était la sienne sur le sujet.

Ses yeux s’attardèrent sur le triton, se rappelant la sensation des écailles sur sa peau, avant de se détourner vers le ciel. Préférable de ne pas fixer quelqu’un ainsi. Elle laissa un nouveau soupir quitter ses lèvres et pensa à se lever. Ses membres étaient faibles et elle ne réussit qu’à tourner sur elle-même, pour se retrouver sur le côté. Elle ferma un instant les yeux, la tête posée sur sa main. Elle devait encore marcher jusqu’à la capitale et, si le repos lui avait fait grand bien, elle sentait que ça lui prendrait une véritable nuit de sommeil pour se remettre. Et probablement aussi un passage chez un médecin. Parce qu’elle ne se sentait pas très bien. Puisant dans ses forces engourdies par la fatigue, elle se leva avec lourdeur en position assise. Elle leva à nouveau une main à son front, pressant sa paume froide contre la peau chaude de son visage. Elle avait l’impression que sa tête allait éclater. Pourquoi son état ne faisait-il qu’empirer ? Ne pouvait-elle pas simplement se lever et reprendre le chemin vers chez elle, impatiente de changer son vêtement mouillé, de laver le sable qui collait à sa peau et de se glisser entre les draps douillets de son lit ? Elle ne voulait pas passer une nuit désagréable à trembler entre le froid glacial et la chaleur fiévreuse. Sa main caressa machinalement le bijou qui ornait toujours son front, comme pour se donner du courage.

Elle ne se sentait pas la force de se lever, à l’instant. Elle attendrait un peu. Elle n’était pas inquiète, ou ne voulait pas se laisser inquiéter. Et elle ne voulait pas retenir Thylesandr plus qu’elle ne l’avait déjà fait. Elle avait occupé toute sa journée, après tout. Il était resté à ses côtés, bienveillant et réconfortant. Elle s’était sentie à l’abri et même maintenant, elle se sentait encore rassurée de l’avoir près d’elle. Elle n’avait plus peur. Elle n’était plus affolée. Elle aurait voulu encore converser avant de devoir le quitter, mais elle n’arrivait pas à trouver les mots. Comment lui dire au revoir ? L’idée de ne jamais le revoir la déprimait, mais c’était l’éventualité la plus probable.

Sa main quitta son front et elle posa son regard sur le triton qui lui faisait face. Elle ouvrit la bouche, puis la referma. Que dire ? Ses yeux ne quittaient pas les siens. Cherchant, se questionnant. Osait-elle lui demander ? Lui demander s’ils allaient se revoir un jour ? Elle voulait et en même temps, elle ne voulait pas savoir. Il l’avait sauvée, mais ça ne voulait pas dire qu’il voudrait un jour revoir son visage. Et Nessa ne vivait pas très bien le refus. Elle préférait utiliser sa plus vieille habitude et oublier ce qu’elle ressentait à l’instant. Peu importait. Elle n’allait pas demander. Elle abaissa le regard vers le sable. Devait-elle être la première à dire au revoir ? Le silence s’étirait et elle n’arrivait pas à se résigner à dire un mot. Elle savait ne pas pouvoir se relever tout de suite, alors elle devait lui indiquer qu’il pouvait partir, que tout irait bien maintenant qu’elle était de retour sur l’île. Et pourtant, aucun mot ne lui venait. Puis, un détail lui revint en mémoire.

- Tisane de thym et tisane de racines de mauve blanche. Du miel dans le lait de chèvre chaud. C’est bien ce que vous m’aviez prescrit ?

Elle n’oublierait pas. Et elle ferait attention à son cou, pour éviter d’envenimer la douleur. Elle se souvint de ce qu’il avait dit, mais elle n’était pas convaincue pour le massage, son avis restant le même que plus tôt. Elle pouvait vivre avec quelques tensions dans ses épaules. Pas question qu’elle laisse quelqu’un d’autre lui masser le dos. Elle allait se débrouiller comme elle en avait l’habitude. C’était aussi simple. Hum… devait-elle faire ses adieux maintenant ?
Nessa Katos
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Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Jeu 7 Fév - 19:37
Thylesandr ne la quittait pas des yeux, inquiet et vigilant. Elle semblait lutter; les muscles de son visage étaient crispés et ses sourcils froncés. Le sommeil ne voulait pas l'abandonner, et elle ne parvenait pas à soulever les paupières. Sa respiration était laborieuse, presque sifflante, et le triton de serrer les mâchoires avec angoisse. Il ne voulait pas avoir fait tout ça pour rien. L'avoir traînée jusqu'au rivage durant des heures, pour que son corps décide de la lâcher à ce moment. Il était soucieux, d'autant plus que ses doigts qui caressaient la joue de la navigatrice avaient l'air beaucoup trop chauds à son goût. Elle était fiévreuse.

Patient, le triton ne la brusqua pas, et attendit de voir l'issue du combat intérieur de l'humaine. Enfin, elle réussit à entrouvrir les yeux - et elle observait l'horizon d'un air absent. Il ôta doucement sa main sans cesser de la couver d'un regard inquiet - jusqu'à ce qu'enfin, elle le remarque. Il vit son regard s'éclairer et sa conscience revenir totalement peu à peu. Il répondit à son faible sourire en souriant à son tour, soulagé qu'elle se souvienne de lui et de ce qu'ils faisaient là. C'était bon signe.

Elle ouvrit les lèvres pour le remercier - et sa voix sonna plus rauque et plus douloureuse que jamais. Il faillit grimacer mais se retint de justesse alors qu'elle se mouvait lentement, jusqu'à réussir à s'asseoir. Elle semblait si faible... Parviendrait-elle à atteindre la ville ? A ne serait-ce qu'atteindre la route ? Devait-il attirer l'attention des passants, faire assez de bruit pour que quelqu'un quitte la route et vienne la trouver ? Elle le regarda, et il lui rendit son regard. Toujours en silence. Il ne savait pas quoi dire. Pouvait-il considérer son travail comme accompli ? L'abandonner là et retourner aux siens, en se satisfaisant de la maigre chance qu'il lui avait donnée ? Car il était conscient qu'en vérité, la jeune femme n'était toujours pas sortie d'affaire... Il pensa à se transformer, à la ramener chez elle, et à la veiller jusqu'à ce qu'elle aille mieux. En avait-il seulement le droit... ?

Le silence s'étira alors que chacun se perdait dans ses pensées. Jusqu'à ce qu'enfin, la plus courageuse des deux ose parler, et son innocence attira un sourire attendri sur le visage du triton. Il se mit à rire doucement - une fois encore, elle sonnait comme Dama. Comme une enfant qui, pour retarder l'inévitable, se mettait à poser des questions auxquelles elle connaissait déjà la réponse. Juste pour gagner du temps... Une vague d'affection adoucissant son regard, il leva une main vers elle, et osa en poser la paume contre la joue de l'humaine.

- C'est bien ça. Vous avez bonne mémoire. C'est un très bon signe. Si son esprit allait bien, alors tout suivrait. Et avec la douceur d'une caresse, Thylesandr conduisit sa main de la joue de Nessa jusqu'à son front, où il frôla le bijou d'argent avec un sourire. Vous êtes fiévreuse... fit-il en pressant doucement ses doigts contre le front brûlant de la souffrante. Les tisanes sont bonnes pour ça aussi. Elles vous garderont hydratée. Le thym devrait aussi aider à faire baisser la fièvre.

Un médecin de Kalispera pourrait lui donner des solutions plus radicales, mais pour l'instant, Thylesandr se contentait de ses quelques conseils. Nessa avait surtout besoin de repos, et il ne voulait pas la surcharger de remèdes et d'indications inutiles. Pourtant... sa faiblesse l'inquiétait sérieusement. Elle allait devoir dormir, et beaucoup - mais dans ce cas, qui s'occuperait de ses tisanes ? Qui irait chercher les plantes dont elle avait besoin ? Qui irait traire la chèvre pour le lait chaud ? Qui la surveillerait, ferait en sorte qu'elle mange assez et s'hydrate en suffisance ? En plus des tisanes, elle allait devoir boire beaucoup d'eau, et manger de quoi lui redonner des forces. Sauf qu'elle risquait de manquer d'appétit.

- Nessa... Vivez-vous avec votre famille ? demanda-t-il d'un air désintéressé. Il réfléchissait toujours, se repassait ses cours de médecine en boucle dans sa mémoire. Le poisson allait être trop lourd pour elle - au début, il lui faudrait surtout se nourrir de riz en bouillie. De la ptisane*, si elle était assez fortunée pour s'acheter de l'orge. On n'en cultivait pas à Kairos, mais Ba'alat et Invictis en avaient exporté - il s'agissait donc d'une denrée de luxe, mais excellente pour les malades.

Thylesandr s'était définitivement perdu dans son esprit. Il était loin d'être le seul érudit à souffrir de cette affliction - et comme beaucoup, quand il s'inquiétait particulièrement d'un sujet, il avait tendance à se couper du monde pour se reclure dans son palais mental. Les cours de médecine. Les entretiens avec les droguistes. Les pharmaciens, qui lui avaient tant parlé des plantes médicinales. Les remèdes ancestraux des anciens de l'île, qui rechignaient à consulter les spécialistes et se portaient pourtant à merveille. Au fil de ses pensées, son expression se faisait plus grave, plus sérieuse - car il se concentrait vraiment, souhaitant trouver de quoi remettre Nessa d'aplomb.

Il voulait la sauver, et jusqu'au bout. Le fait qu'elle soit malade le mettait de bien mauvaise humeur et, quand il émergea enfin des tréfonds de son esprit, ce fut avec une sombre lueur au fond des yeux. Son visage était crispé et le triton se sentait nerveux. Il perdait le contrôle. Il détestait ça. La situation, qu'il avait tant pu maîtriser jusqu'alors, avait décidé de le devancer - et il supportait difficilement que les choses ne se passent pas comme il les avait prévues. Alors, protecteur à l'extrême - ou peut-être dangereusement possessif -, il utilisa la main qu'il avait gardée posée sur la tête de Nessa pour l'attirer à lui. Il la cala contre son torse, bloquant son visage juste dans le creux de son cou. Ses branchies, résolument fermées maintenant qu'elles étaient à l'air libre, étaient à peine visibles - mais elles représentaient pourtant les témoins parfaits; les preuves parfaites, de l'animosité macérant dans le cœur de notre créature.

*ptisane : décoction d'orge mondée, filtrée ou non, qui sert de nourriture habituelle aux malades (Alimentation en Grèce antique, Wikipédia).
Thylesandr Psári
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Nessa Katos
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Nessa Katos
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À chacun son épreuve | Thylesandr - Page 2 Ness210
Allégeance : Kairos
Jeu 7 Fév - 22:57

Une fois que les mots eurent quitté ses lèvres, elle ne dit plus rien. Elle resta immobile, sa main jouant nerveusement dans le sable. Elle n’avait rien à ajouter. Surtout, elle n’avait pas encore envie de dire adieu. Cette hésitation n’était pas de celle dont elle avait l’habitude avec ceux qu’elle rencontrait, mais... c’était une journée différente des autres. Cet imprévu les avait réunis et le moment unique qu’ils avaient partagé les avait rapprochés. Qu’ils acceptent de l’avouer ou pas, la vérité restait. Nessa se sentait un peu troublée par elle-même. Une vie d’aventure et de découverte permettait difficilement d’entretenir des relations. C’était l’une des raisons pour lesquelles elle avait choisi de ne plus s’attacher aux gens. Car elle détestait devoir les quitter. À la fin, c’était toujours ce qui arrivait après tout, elle reprenait la route de son côté. Et pourtant, elle n’arrivait pas à se sentir complètement indifférente à l’instant. Elle était un peu bizarre, mais elle ne dirait rien. Elle n’allait pas non plus poser la question qui lui brûlait pourtant les lèvres. Quelque part au fond d’elle, elle sentait une boule de confusion se former.

Puis, elle fut tirée de ses réflexions par un contact sur sa peau. Elle leva un regard mi-surpris, mi-curieux. Il avait posé une paume contre sa joue et Nessa inclina légèrement la tête, appuyant inconsciemment son visage, appréciant la fraîcheur de ses doigts sur sa peau fiévreuse. Elle était peut-être désorientée par ses réactions, mais sa mémoire se portait très bien. Mais elle se savait en piteux état. Faible, épuisée et maintenant malade. Elle avait chaud et froid tout à la fois. Elle ferma les yeux, profitant de la caresse sur son visage. Écoutant les mots, les assimilant. Elle hocha par moment la tête faiblement, pour indiquer qu’elle suivait ses propos. Faire baisser la fièvre, les tisanes, l’hydratation. Elle enregistrait chacun des mots. Il ne fallait rien oublier. Il fallait se rétablir le plus rapidement possible. Elle ne voulait pas rester coincée au lit durant plusieurs jours. Une horreur pour la navigatrice que de rester prise dans une chambre. Son besoin d’aventure lui démangerait. Elle ne pouvait pas rester tranquillement en place.  

Elle rouvrit les yeux lorsqu’il prononça son nom, suivi d’une question qui la surprit. Mais il n’avait pas l’air concentré sur la réponse. Son esprit semblait déjà ailleurs, ayant continué dans ses réflexions. Nessa ne répondit pas. Elle préféra l’observer et elle se demanda à quoi il pensait. S’il la voyait toujours devant lui. Il s’éloignait dans ses pensées et doucement, elle fit de même.

La question avait soulevé en elle de nouveaux souvenirs. Ses derniers moments dans son village d’enfance. Que faisait son frère maintenant ? Il était probablement toujours pêcheur, têtu et fermé comme il était. Il n’avait jamais eu le même intérêt que sa sœur pour le monde qui les entourait. Il était bien dans ce petit village. Pas Nessa. Et sa mère, que devenait-elle ? Avaient-ils réussi à se sortir de la misère dans laquelle Nessa les avait abandonnés ? La navigatrice n’avait jamais compris comment sa famille pouvait s’enfermer dans leurs problèmes, incapables de faire un pas vers l’avant, ne voulant rien savoir du changement que leur avait proposé Nessa. Elle avait choisi de partir. Ils avaient voulu rester. Soit. Elle n’allait pas être tirée vers le bas par sa famille. Ni par personne d’autre d’ailleurs. Mais malgré l’incompréhension et la déception qu’elle ressentait envers les membres de sa famille, elle les aimait. Elle ne serait pas prête à retourner vivre avec eux, loin de là. Mais elle aimerait les revoir, prendre de leur nouvelle. En espérant qu’il avait pu reprendre le dessus sur leur situation. De son côté, Nessa était bien dans ses choix. Voyageant régulièrement, elle n’avait aucune maison, mais elle possédait une petite chambre dans une des bâtisses de Kalispera. Une seule pièce lui suffisait amplement pour les quelques fois où elle y dormait. Elle avait peu de fournitures, peu d’effets personnels. Toujours en mouvement, elle trainait le nécessaire sur elle et trouvait inutile d’entasser le reste dans une chambre qui prenait déjà trop souvent la poussière. Néanmoins, elle devait avouer qu’avoir un endroit où rentrer lorsqu’elle revenait à la capitale était agréable. Et lorsqu’elle pensait qu’un lit confortable l’attendait chez elle, elle sentait soulagement et bonheur l’envahir.

Son regard se reposa sur Thylesandr et elle voulut attirer son attention, mais avant de pouvoir ouvrir la bouche, il l’attira à lui. Faible comme elle était, elle ne put résister et elle n’en eut pas l’intention. Abasourdie, elle ne sut comment réagir. L’embarras s’empara d’elle et elle le laissa la glisser contre lui. N’osant ni reculer ni se caler davantage. Son corps s’était crispé sous le choc, mais commençait étonnamment à se détendre. Elle ne savait que penser et les choses tournaient à folle allure dans son esprit. Pourquoi ? se demandait-elle. Elle choisit finalement d’apprécier l’instant qui s’offrait à elle. Son visage s’enfouit dans le cou du triton et elle sentait ses mèches lui caresser les joues. Elle aimait l’impression de sécurité qu’elle ressentait et si elle se montrait honnête avec elle, elle ne détestait pas totalement la sensation de ses bras autour d’elle. Mais si elle restait ainsi, elle savait qu’elle allait s’endormir et elle ne voulait pas. Elle devait regagner la réalité. Était-ce la maladie qui la faisait délirer ?

Gentiment, elle le repoussa. Juste assez pour se décoller et l’observer. Il avait été le premier à la toucher, se dit-elle. Elle pouvait donc se le permettre aussi, n’est-ce pas ? Lentement, elle leva les mains et les posa en douceur sur ses joues, l’obligeant à la regarder. Elle observa les traits de son visage.

- Pourquoi cette expression ? Dans ses yeux se lisait une sincère curiosité. Elle préférait le voir avec un sourire. Tout ira bien. Faites-moi confiance.

Un sourire amusé pointa aux coins de ses lèvres alors qu’elle reprenait les mots qu’il avait utilisés plus tôt. Elle savait qu’elle n’était pas très bien placée pour lui dire. Elle était encore faible et fiévreuse. Pourtant, elle se sentait plus en contrôle de ses moyens qu’elle ne l’avait été sur ce rocher au milieu de la mer. Elle avait beaucoup plus confiance maintenant qu’elle était de retour sur la terre. Et elle ne voulait pas qu’il s’inquiète pour elle ou qu’il se sente obligé de s’occuper d’elle. Elle laissa ses mains retomber. Puis, elle voulut changer le sujet.

- Pour répondre à votre question, non. J’ai quitté le foyer familial il y a quelques années maintenant. J’ai toujours considéré l’île entière comme ma maison et dormir à la belle étoile ne m’a jamais effrayé. Elle voulait le rassurer, lui montrer que même si elle passait la nuit sur cette plage, elle s’en sortirait. Elle n’allait pas laisser son corps abandonné alors qu’elle était presque rendue. J’ai tout de même une chambre à la capitale. Un lit est toujours agréable par moment.  

Le sourire glissa sur ses lèvres. Elle essayait de banaliser les choses, parler de tout et de rien, parce qu’elle devait avouer être un peu mal à l’aise avec la tournure que prenait la situation. Que devait-elle faire ? Elle voulait se reculer, mettre une distance raisonnable entre eux deux et au même moment, elle voulait rester comme ça. C’est qu’il l’embrouillait complètement et elle mit la chaleur de son visage sur le compte de la fièvre.  
Nessa Katos
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Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Ven 8 Fév - 0:28
Thylesandr ne pensait plus vraiment. Son esprit bouillait de frustration et s'emplissait de noms de plantes, de décoctions, de plats à donner aux malades - mais en vérité, il ne pensait plus. Ses connaissances défilaient si aisément dans sa mémoire qu'elles commençaient presque à l'embrouiller et il n'était plus vraiment maître de lui-même. Il avait laissé son instinct prendre le dessus le temps d'un geste - d'un seul geste d'une dangerosité et d'une imprudence sans nom. Un bête geste, qui avait pourtant le pouvoir de faire basculer cette entrevue. Il avait serré Nessa contre lui, dans le but inconscient de récupérer le contrôle de la situation, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Étonnamment, l'action avait fonctionné, et Thylesandr commença à reprendre ses esprits et à se calmer. Les brumes de ses pensées noires s'élevèrent et disparurent, pour ne plus laisser que l'instant présent : lui, elle, la plage.

La jeune femme se décala, juste assez pour ne plus être coincée contre lui. Elle posa les mains sur ses joues et, alors qu'il était encore confus, l'obligea à se concentrer sur elle. C'est ce qu'il fit, et elle eut pour lui des mots rassurants et compréhensifs. De simples mots qui allèrent droit au but et firent leur effet - peu à peu, le triton sentit sa panique s'atténuer et l'angoisse le quitter. Elle allait bien. Non, c'était faux : elle allait mal, mais elle irait bien. Il avait fait tout ce qu'il avait pu pour elle. Il devait s'en satisfaire. Dorénavant, il lui fallait faire confiance à l'Eau, aux dieux, et à la force de Nessa elle-même. Il lui avait donné la chance de revenir à la terre ferme - mais c'était à elle de la saisir, et de prouver au monde qu'elle méritait de vivre. Qu'elle en était capable.

Il baissa les yeux de honte et poussa un profond soupir, tout droit sorti de ses entrailles. Un souffle qui acheva de l'apaiser et qui rendit définitivement le contrôle de sa personne à la moitié humaine - la moitié pensante et rationnelle. Pas l'animale, instinctive et sauvage. Nessa continua alors, confirmant ses craintes : elle vivait seule, dans une simple chambre qu'il imaginait déjà petite, recluse, et inadaptée à une malade. Non, il ne devait pas y penser. Il en avait déjà assez fait.

Les mains de l'humaine lui manquaient. Des mains douces, rassurantes, presque maternelles. Oh, que lui arrivait-il ? Était-il finalement devenu fou ? Fou de solitude ? C'était pourtant lui, le charmeur, et pas l'inverse. Doucement, il avança son visage pour coller son front à celui de Nessa. Juste un peu. L'espace de quelques secondes, où leurs bijoux, d'or et d'argent, s'embrassèrent. Puis, il s'éloigna, et la lâcha avec précaution - de peur que sa faiblesse ne la fasse chuter, sans son soutien.

- Pardonnez-moi, fit-il dans un murmure en baissant les yeux. Son visage, bien qu'apaisé, arborait maintenant une expression dure et sévère. Plus de confusion ni d'angoisse, mais une sourde colère. Je... Je ne sais pas ce qui m'a pris. Il n'osait plus croiser son regard. Il s'en voulait terriblement - pas par culpabilité, mais par orgueil. Il avait conscience qu'il était en train de perdre son nouveau jouet, et que c'était là la seule justification de sa possessivité soudaine. Mais il n'avait pas à s'abaisser de la sorte. Il valait mieux que ça.

Il laissa son regard glisser sur le sable, puis sur l'eau qui venait gentiment lécher la plage. Il devait y retourner. Il devait laisser Nessa retrouver la route car, une fois la nuit tombée, elle risquait d'être déserte - pire encore, elle risquait d'être empruntée par d'affreux personnages. Il déglutit, enfonça ses ongles dans le sable, entreprit de se reculer vers la mer à l'aide de ses bras. Il détestait ramper. Il aurait été capable de se transformer en homme juste le temps de rejoindre un endroit assez profond où commencer à nager si Nessa n'avait pas été là. Mais en sa présence... Ça n'aurait pas été décent. Ce qui, d'une certaine façon, le tentait encore plus...

Il stoppa sa progression, osant enfin lever des yeux hésitants vers la demoiselle. Les lèvres pincées, il comprit qu'il ne pouvait pas l'abandonner ainsi, si abruptement. Il commença donc :

- Je... Je suppose que vous avez beaucoup d'amis, à la capitale. Vous êtes charmante. Il faudrait que l'un d'eux vous aide, pour vos remèdes... Sur quoi il se tourna une nouvelle fois vers la mer, et se remit à avancer en tentant de s'appuyer sur sa queue de poisson. Mais il s'arrêta encore, et se retourna : Ce ne sont pas des flatteries. Vous êtes belle, Nessa. Alors... si jamais vous voyez un membre de mon peuple, quand vous reprendrez la mer... Ne vous en approchez pas. Ils ne sont pas tous comme moi. Pire encore, certains l'étaient. La seule différence était qu'eux, souvent plus jeunes que lui, n'avaient pas encore appris à contrôler leurs pulsions. Il recommença sa progression, s'arrêta une troisième fois. Même les enfants comme Dama ! Ils sont souvent les complices de leurs aînés, et pourraient de toute façon noyer des humains à eux seuls.

Il repartit encore, commença à s'enfoncer dans l'eau, mais ne put se résoudre à ne pas regarder en arrière une dernière fois. Et là, il s'arrêta. Il ne savait pas s'il devait encore attendre quelque chose mais, dans le doute... Il se prit à espérer. Espérer quoi, il l'ignorait.
Thylesandr Psári
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Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
À chacun son épreuve | Thylesandr - Page 2 Ness210
Allégeance : Kairos
Ven 8 Fév - 3:31

Rien ne faisait sens pour elle à l’instant. Elle ne comprenait pas. Elle était confuse, troublée et complètement déstabilisée par la situation. Ça n’arrivait pas, normalement. Mais rien ne se passait comme prévu et ses pensées s’embrouillaient. Elle n’osait pas bouger. D’accord. Prendre un moment. Réfléchir de façon logique et pratique. Elle devait absolument reculer. Elle ne devait pas hésiter et simplement recréer cette distance qui avait pourtant existé entre eux au début. À ce moment, peut-être son esprit arrêterait sa course folle au travers de questions qu’elle ne voulait pas comprendre. Elle se trouvait ridicule et elle laissa un soupir inaudible quitter ses lèvres. Elle n’avait qu’à agir comme elle le faisait toujours. Ce n’était pas si compliqué. Elle espérait seulement que son visage ne trahissait pas sa confusion.

Si l’incompréhension n’avait pas occupé toutes ses pensées du moment, elle aurait certainement reculé sous la surprise lorsqu’il s’approcha d’elle. Mais son front touchait déjà au sien et avant qu’elle n’ait pu réaliser ce qui arrivait, il reculait déjà. Le bijou d’argent retomba doucement sur son front, en se démêlant de celui qui ornait le front du triton. Elle refusait de l’admettre, mais le geste avait fait grimper l’embarras jusqu’à ses joues si rapidement. Elle se sentait soudainement plus fiévreuse qu’elle ne l’était déjà. Dans son esprit, c’était anarchique. Elle était encore bouleversée lorsqu’il se recula enfin. Qu’est-ce que c’était ? Tout ça. Elle ne comprenait tout simplement rien. Que se passait-il ? Que faisait-elle là ? C’était trop pour elle. Elle ne voulait rien savoir. Seulement rentrer et s’allonger. Demain, tout serait de retour à la normale. Une simple maladie, elle pouvait gérer. Pas cette situation étrange dans laquelle elle se trouvait actuellement.

Son regard se posa sur Thylesandr lorsqu’il prit la parole. Elle ne lui en voulait pas. Elle n’était pas offusquée, elle n’était pas en colère. Simplement… affreusement chamboulée. Comment pouvait-elle se faire avoir si facilement ? La vérité était qu’elle ne recevait pas souvent d’avance de la part des hommes, c’était peut-être son caractère habituellement froid et indifférent qui décourageait les gens. Et honnêtement, certaines avances lui passaient sous le nez, sans qu’elle réalise avoir rembarré quelqu’un. Oh, elle ne pensait pas qu’il essayait de la charmer. Ça la déstabilisait juste comme si c’était le cas. Ses pensées ne faisaient aucun sens. À quoi pensait-elle ? Elle s’imaginait tout ça. C’était la proximité nouvelle qui la troublait, voilà. Et s’il n’osait pas croiser son regard, elle n’osait pas croiser le sien non plus. Elle devait mettre de l’ordre dans son esprit avant tout. Arrêter d’imaginer tout et n’importe quoi. Se tenir aux faits. Elle était malade. Elle devait rentrer. Il l’avait sauvée. Il s’inquiétait pour elle. Non. Il ne s’inquiétait pas pour elle. Il voulait rentrer aussi. Voilà. D’accord. Tout allait bien. Rien d’étrange par ici.

Une fois qu’elle eut calmé son cœur dérangé, elle put reposer les yeux sur le triton. Elle aurait voulu sourire et même lui pousser gentiment le front du doigt afin de chasser cette expression de colère qui tirait ses traits. Lui dire que c’était mieux s’il souriait. Répondre qu’il ne devait pas s’en faire et qu’un sourire lui convenait bien mieux. Mais elle n’avait pas eu le temps de reprendre ses esprits avant qu’il ne commence à s’éloigner. Pour de bon cette fois. Oh… elle ne voulait pas que la dernière image qu’il ait d’elle soit cet air troublé. Un peu déçue, elle l’observa se diriger vers la mer. Il n’avait pas dit au revoir. Et Nessa en fut désappointée et triste. Elle n’osa pas ouvrir la bouche, ne faisant que fixer son laborieux chemin vers l’eau. À un autre moment, elle aurait trouvé amusant de voir le triton se débattre ainsi contre le sable. Présentement, elle était tout simplement un mélange d’émotions incohérentes et ne savait comment réagir à son départ sans avertissement. Elle savait que c’était l’heure de se quitter, qu’ils devaient chacun reprendre leur chemin. Mais… elle aurait pensé avoir droit à un adieu.

Puis, il arrêta. Nessa posa une main sur le sable devant elle, avançant légèrement son corps. Il se tourna vers elle. Elle attendait avec presque impatience d’entendre sa voix. Ce n’était pas exactement un au revoir et elle resta surprise. Beaucoup d’amis ? Un étonnement mêlé de curiosité se mêla dans ses traits. C’était plutôt le contraire. Qui était la dernière personne qu’elle avait considérée comme un véritable ami ? Y avait-il eu quelqu’un après Kael ? Nessa se contentait de connaissance amicale et de collègue de travail. Elle ne savait pas entretenir une amitié. Mais hors de question de lui dire. Elle se contenta d’un sourire un peu mal à l’aise sur le sujet. Elle se débrouillerait. Ce n’était pas la première fois qu’elle tombait malade. Et il reprit son chemin.

Nessa ne le quitta pas du regard. C’était comme si ses yeux refusaient de se détourner tant qu’il n’aurait pas disparu dans la mer. Au cas où il se tournait à nouveau. Pourquoi se prenait-elle à espérer qu’il ajoute quelque chose ? Comme si son désir avait été entendu, il se tourna une nouvelle fois. Et ce n’était toujours pas un au revoir à proprement parler. Les phrases suivantes la mirent encore une fois à l’envers. Pourquoi lui disait-il cela ? Les mots tournaient dans sa tête fiévreuse et elle n’arrivait plus à penser. Une troisième fois, il tourna le regard vers elle. Pour continuer sur le même sujet. Ne pas approcher des habitants de la mer, même les plus jeunes insouciants. Elle pouvait croire au danger, encore plus lorsqu’un triton lui disait. Elle… s’en souviendrait. Et si par hasard, il était celui à recroiser son chemin… Improbable. Ne pas se donner de faux espoirs. Elle ne voulait pas commencer à chercher la mer pour repérer ces écailles blanches sous la surface.

Voilà qu’il atteignait l’eau. Son regard ne le quittait toujours pas. Un malaise différent s’installa au creux de son ventre. C’était à son tour de dire adieu. Elle ne voulait pas qu’il disparaisse sous l’eau sans qu’elle ait pu dire au revoir. Chaque minute l’éloignait un peu plus d’elle. Et c’était ainsi que les choses devaient se passer. Pourquoi alors n’arrivait-elle pas à détourner le regard ? Elle devait ouvrir la bouche. Dire quelque chose. N’importe quoi.

- Pourrais-je vous revoir un jour ?
cria-t-elle dans un souffle, enfin du mieux que pouvait porter sa voix.

Les mots avaient quitté ses lèvres avec presse, comme effrayés à l’idée de ne jamais se rendre à leur destinataire. Elle venait à peine de prononcer la question, qu’elle le regrettait déjà. Peut-être n’avait-il pas entendu ? Ce ne serait pas étonnant avec sa voix rauque et faible. Elle se prit à espérer qu’il n’ait pas entendu. Et d’un autre côté, elle attendait une réponse. Mais elle s’était décidée à ne pas poser la question. Comment réagirait-elle s’il disait non ? Elle ne voulait pas savoir. Ça suffisait. Elle devait se lever et rentrer. S’enfuir comme elle le faisait toujours. C’était plus facile. Elle ne voulait pas avouer qu'elle aimerait le revoir. Elle porta les mains à ses joues, donna deux petits coups espérant qu’elle reprendrait ses esprits. Par la suite, elle se convainquit de se relever. Elle rassembla ses forces et avec difficulté, avec lenteur, elle se mit debout. Elle se tenait faiblement en place, sentant ses jambes prêtes à se dérober sous elle à tout moment. Partir. Rester. Elle hésitait de nouveau. La confusion reprenant peu à peu l’emprise sur elle. Elle risqua un coup d’œil vers Thylesandr. Avait-il disparu sous la mer ?  
Nessa Katos
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Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Thylesandr Psári
THERE'S MONSTERS IN ALL OF US
Ven 8 Fév - 13:16
Il attendait, interdit, hésitant. La mer murmurait son nom, venait lui chatouiller les écailles avec la marée comme pour l'attirer à elle. Et, pourtant, Thylesandr ne bougeait pas. Jamais auparavant la terre ne l'avait-elle tant retenu. D'ordinaire, il s'était toujours montré assez pressé de retourner à l'Eau - même lors de sa longue période d'études à Kalispera, il n'avait jamais pu passer une nuit entière sur la terre ferme. Il avait toujours eu ce besoin viscéral de retrouver ses écailles et ses nageoires; de sentir ses branchies s'ouvrir et se gonfler d'eau salée. Certaines sirènes et certains tritons aimaient l'humanité et son mode de vie de tout leur cœur - ils avaient même su s'y faire une place, sans aucune crainte. De très bonnes places, pour certains... Mais Thylesandr était bien plus proche de l'Eau qu'eux. Il était terriblement méfiant des humains, et n'avait jamais accepté de les fréquenter plus que de raison - et pourtant...

Non. Nessa avait été choisie par l'Eau. Elle était différente. Peut-être pas tout à fait humaine - pas dans son cœur, en tout cas. S'il n'aimait pas les humains, alors Nessa n'en était pas une - il n'y avait rien de plus logique. Satisfait de ses désillusions, le triton laissa cette certitude s'ancrer dans son esprit - la philosophie qu'il avait étudiée, dans sa recherche de l'érudition, lui permettait de croire à ce qu'il voulait, tant qu'il y trouvait une explication s'alignant à ses croyances.

La navigatrice avait l'air aussi perdue que lui - et comment l'en blâmer, au vu de son état ? Déçu, mais désormais résigné, il décida de repartir. Inutile de s'attarder plus longtemps. Cependant, Nessa le stoppa dans son élan d'une question désespérée - et Thylesandr de se retourner plus vivement qu'escompté, comme s'il n'avait attendu que cela. Elle commençait à se lever, et il surveilla ses gestes avec inquiétude, jusqu'à ce qu'elle réussisse à se maintenir sur ses jambes dans un équilibre précaire. Elle ne se débrouillait pas si mal. C'était bon signe. Il espérait qu'elle réussisse à atteindre la route, ou que des baigneurs tardifs descendent à la plage et l'y trouvent.

Quant à la question qu'elle lui avait posée... Il l'avait redoutée autant qu'il avait souhaité l'entendre - tiraillé entre l'envie de la garder en sécurité loin de son peuple sanguinaire et celle d'obséder chacune de ses pensées, Thylesandr ne sut que répondre. Pourraient-ils se revoir ? Le désirait-il seulement ? Il lui fallait prendre du recul et faire le point sur ses émotions avant de se décider. Trier son instinct de ses pensées. Analyser la situation et juger de la meilleure marche à suivre. Peut-être le fait de la revoir ne devait-il rien signifier de sérieux, mis à part le fait d'entretenir une amitié. Ce n'était... pas si mal, pas vrai ?

Il sourit doucement, presque moqueur envers lui-même, et accepta de lui adresser ces dernières paroles :

- L'Eau est partout. Elle est toujours la même, et elle lie toute chose. Il était clair, à sa façon de parler, qu'il évoquait une entité et non un stupide liquide. L'eau des fleuves est la même que celle de la mer, et de celle de la Haute-Mer. C'est toujours l'Eau, qui ne change jamais. Elle se renouvelle. Il croyait au cycle perpétuel de l'Eau - à la pluie qui venait à la mer, et à la mer qui se changeait en pluie. Mais il n'avait pas le temps de l'expliquer, ou de s'étendre sur ses croyances à lui. Cependant, il se souvint que Nessa lisait son chemin dans les étoiles, et tenta de lui faire comprendre ce qu'il voulait dire en utilisant des métaphores qui la concernaient un peu plus : C'est comme les étoiles. Ce sont les mêmes. Alors, quand vous regarderez les étoiles la nuit, je les regarderai aussi - il s'agira du même ciel, et de ce fait, nous regarderons la même chose. Nous serons ensemble.

Il n'avait pas besoin de la revoir s'ils restaient toujours ensemble. Thylesandr était étonnamment spirituel, malgré son côté animal et instinctif. Peut-être même trop spirituel pour la compréhension pragmatique des humains. Mais ainsi était-il fait.

- Je suis toujours à l'Eau. Si vous y êtes aussi, alors nous ne serons pas si éloignés, voulut-il l'apaiser d'un sourire rassurant et sûr de lui. Il ne savait pas si elle avait compris mais c'était là la seule façon pour lui d'exprimer ce qu'il ressentait. Les mots simples et directs des Hommes ne lui convenaient pas - lui, le triton érudit, avait besoin de philosophie et de spiritualité.

- Si telle est la volonté de l'Eau, nous nous reverrons. Il fit une pause, sa mauvaise humeur se laissant doucement attendrir par une bouffée d'affection. Puisse le Courant vous mener vers de paisibles rivages, acheva-t-il en une formule de politesse propre à son clan. Sur quoi il se détourna enfin et, profitant du ressac des vagues, se laissa emporter vers l'Eau toute-puissante.
Thylesandr Psári
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Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
Nessa Katos
LIVING FREE AS THE WIND
À chacun son épreuve | Thylesandr - Page 2 Ness210
Allégeance : Kairos
Ven 8 Fév - 21:43

Il avait entendu. Il s’était retourné et il la regardait. Nessa ne savait plus si elle contente ou horrifiée. Elle avait envie de plaquer ses mains sur ses oreilles pour ne rien entendre, comme une enfant. Courir et disparaitre derrière les rochers. Ne pas savoir. Mais ses jambes ne bougeaient pas. Et puis, elle ne pouvait pas courir de toute façon. Elle se sentait agitée, incapable de tenir en place et pourtant son corps ne demandait que la tranquillité. C’était la folie en elle et elle s’entoura de ses bras, comme pour se rassurer, pour se remettre d’émotions qu’elle n’essayait pas de comprendre. Qu’elle ne voulait pas comprendre. C’était… étrange. Inhabituelle. Ses yeux se promenaient sur la plage, sur la mer, cherchant autre chose que le triton à admirer. Sauf qu’elle n’arrivait pas à concentrer son esprit ailleurs, ni à se résoudre à se mettre en marche. Elle était faiblement debout, complètement perdue.

Puis, elle entendit sa voix. Elle sursauta presque, comme si elle ne s’était pas réellement attendue à une réponse. Et elle prit soudainement peur. Anxieuse, elle reposa lentement son regard sur lui. Elle ne voulait pas entendre et pourtant, elle ne pouvait faire autrement. Les mots se rendaient à elle, mais elle refusait de comprendre leur sens. Au fond, elle était effrayée. Mais peu à peu, elle accepta d’écouter chaque mot, chaque phrase et chacune des idées qu’elles exprimaient. Il parlait de l’eau. Non, pas exactement. Elle entendait la majuscule en début de mot. Et elle se souvint l’avoir déjà entendu mentionner l’eau de cette façon. L’Eau. Nessa aimait l’Eau. Nessa aimait la mer. Et malgré la confusion qui tournait à l’intérieur d’elle-même, un sourire réussit à apparaitre sur ses lèvres lorsqu’il compara son exemple avec les étoiles. Elle avait compris, mais tout devenait alors plus concret lorsqu’on lui parlait des étoiles. Nessa aimait aussi les étoiles. Elle avait l’impression de revenir aux bases, aux faits afin de ne pas trop réfléchir. Elle refusait de penser et repenser à ce moment… inexplicable s’étant installé entre eux sans crier gare. Et si elle refusait de faire face à cette boule d’émotion entremêler, il ne lui rendait pas la tâche facile. C’était comme s’il s’était donné le but de la bouleverser davantage avant de disparaitre, juste assez pour qu’elle n’arrive plus à penser à autre chose. Et elle détestait que cela fonctionne. Son esprit tournait, ne comprenait pas et revenait sans cesse à lui.

Nous serons ensemble, disait-il. Le même ciel. Les mêmes étoiles. La même chose qu’ils observeraient. En entendant ces mots, elle ne sut si elle était furieuse ou, au contraire, heureuse. La métaphore derrière le discours lui plaisait, mais elle ne voulait pas que les mots se gravent dans sa mémoire. Elle ne voulait pas penser à lui chaque fois qu’elle lèverait les yeux vers les étoiles. Elle regardait bien trop souvent le ciel pour laisser une telle chose arriver. Et elle se demanda sincèrement si une telle chose pouvait arriver. Si une simple journée pouvait autant chambouler sa personne. Est-ce qu’elle s’imaginait tout ça ? Avait-il conscience de ce que ses mots, ses gestes, lui faisaient ? Elle détestait cette confusion qui se déversait en elle. Elle devait l’oublier, la chasser loin et se convaincre que rien n’allait arriver. Elle connaissait les étoiles depuis longtemps. Elle avait grandi avec elles. Elle avait d’autres souvenirs avec elles. Aucune crainte à n’y avoir donc. Elle se convainquit. Il ne disait pas cela concrètement de toute façon, alors pourquoi le prenait-elle ainsi ?

Elle décida qu’elle allait faire confiance à l’Eau elle aussi. Elle s’inquiétait trop, elle se mêlait elle-même sans raison et elle devait arrêter. Elle prit une grande inspiration, décidée à se calmer. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle hocha finalement la tête. Pour accepter les dernières paroles qu’il lui avait partagées. Il n’avait pas accepté à proprement parler, mais… il n’avait pas refusé de la revoir non plus. Un petit sourire étira ses lèvres. Mi-embarrassé, mi-rassuré. Et elle continua à l’observer jusqu’à ce qu’il disparaisse pour de bon entre les vagues. Elle laissa alors son regard glissé sur l’horizon. Ses pensées tournaient toujours, mais avec moins de désordre. Elle soupira. Ça y est, elle se sentait redevenir elle-même. Finalement. Elle leva les yeux vers le ciel, admirant les couleurs chaleureuses du crépuscule et repoussant bien loin ce qu’elle ressentait. Il était temps de rentrer. Avant que la nuit ne se referme sur elle. Ses jambes ne la supporteraient plus longtemps si elle continuait à trainer ainsi. Elle se détourna, laissant la mer et tout le reste derrière elle.  

Elle obligeait son corps à avancer, à mettre un pied devant l’autre. Un pas à la fois. Elle s’arrêta par moment, étourdie et fiévreuse, devant reprendre le souffle qui lui manquait parfois. Puis, elle reprenait la route avec des efforts pour lesquels elle n’avait pas la force. Mais elle continuait à avancer. S’appuyant sur les rochers, sur les troncs, sur tout ce qui croisait sa route et qui l’aidait à se tenir debout. Lorsque ses pieds frôlèrent enfin le chemin principal, la nuit commençait à tomber. La chance refusant de l’abandonner si près du bout lui envoya de nouveau un peu d’aide. Elle croise la charrette d’un vieux marchant, tiré par une mule au regard indifférent. Le vieil homme n’eut pas le courage de moyenner un prix pour la porter jusqu’à Kalispera. La pitié eut raison de lui et il accepta qu’elle s’étende entre les étoffes qu’il transportait. Elle sentait les brusques mouvements du chariot sous son dos et chacune des imperfections sous les roues envoyait une onde de douleur dans ses membres meurtris. Elle ne s’endormit pas, ses yeux fixés sur le ciel qui noircissait à vue d’œil. Elle attendait. Dans quelques minutes, elle serait chez elle. Dans sa petite chambre, dans son foyer. Elle pourrait enfiler un simple vêtement propre et sec, se glisser sous ses couvertures après avoir chassé les grains de sable de sa peau. Elle s’occuperait de ses blessures demain. Elle irait chercher les herbes nécessaires à ses tisanes demain. Et pour cette nuit, elle allait donner à son corps ce qu’il souhaitait le plus. Une véritable nuit de repos. Après avoir bu un grand verre d’eau, cela dit.

Et hors de question de rêver à la mer cette nuit.  


RP TERMINÉ
Nessa Katos
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